Régulièrement, le tribunal met en ligne une ou plusieurs décisions particulièrement remarquables au regard de leur importance juridique ou de leur sensibilité au contexte local.
Décision du mois – Septembre 2021 – n° 1901551 – M B…
M et Mme B… ont demandé au tribunal d’annuler la décision du 10 août 2019 par laquelle l’inspecteur d’académie, directeur académique des services de l’éducation nationale (IA-DASEN) de la Creuse les a mis en demeure d’inscrire leur enfant dans un établissement scolaire public ou privé dans un délai de quinze jours à compter de sa réception.
Le tribunal écarte tout d’abord les vices de procédure allégués, tirés, d’une part, de l’insuffisance de précision du rapport établi au titre de la visite de contrôle du 13 mars 2019, d’autre part, de l’absence d’un second contrôle des connaissances et des compétences de l’enfant, et l’erreur de droit alléguée tirée de ce qu’aucun texte réglementaire ou législatif en vigueur pendant l’année scolaire 2018/2019 ne permettait à l’administration de prendre une mesure de mise en demeure de scolarisation fondée sur un refus de se soumettre à un contrôle des autorités académiques.
Le tribunal fait ensuite application du principe de la liberté de l’enseignement, lequel figure au nombre des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, et implique la possibilité de créer des établissements d’enseignement, y compris hors de tout contrat conclu avec l’Etat, tout comme le droit pour les parents de choisir, pour leurs enfants, des méthodes éducatives alternatives à celles proposées par le système scolaire public, y compris l’instruction au sein de la famille. Le tribunal précise que le droit à l’instruction, reconnu par le treizième alinéa du Préambule de la Constitution de 1946 et par l’article 2 du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, peut justifier l’encadrement de la liberté d’enseignement, dans la mesure où celui-ci n’a ni pour objet ni pour effet de vider de sa substance la liberté de l’enseignement.
En l’espèce, le tribunal juge que, eu égard au droit à l’instruction dont bénéficie l’enfant, qui vise à lui garantir un certain niveau d’instruction, l’IA-DASEN de la Creuse n’a pas porté une atteinte disproportionnée au principe de la liberté de l’enseignement et à l’article 2 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droit de l’homme et des libertés fondamentales, en raison des importantes lacunes de l’enfant, notamment en lecture et en écriture, qui ont été constatées au mois de mars 2019 par deux inspecteurs de l’éducation nationale, confirmant certaines appréciations faites au mois de mars
2018 lors d’un précédent contrôle des compétences et des connaissances de l’enfant.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, le tribunal conclut au rejet de la requête.
Décision du mois – Septembre 2021 – n° 2001015 – Préfet de la Haute-Vienne
Le 5 mai 2020, la commission permanente du conseil départemental de la Haute-
Vienne a créé un dispositif d’aides financières aux entreprises de la Haute-Vienne afin de financer le versement d’avances pour celles exerçant une activité économique particulièrement touchée par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de Covid-19 et des mesures prises pour en limiter la propagation, a confié la gestion d’un fonds de 500 000 euros à l’association interconsulaire de la Haute-Vienne à cette fin et a enfin autorisé le président à signer une convention avec cette association ainsi que toute pièce nécessaire à son exécution.
Le préfet de la Haute-Vienne a déféré cette délibération au tribunal en application de l’article L. 3132-1 du code général des collectivités territoriales, ainsi que la décision du 15 juin 2020 par laquelle le président du conseil départemental de la Haute-Vienne a rejeté son recours gracieux.
En l’espèce, le tribunal juge, dans un premier temps, que la commission permanente du conseil départemental de la Haute-Vienne a excédé son champ de compétence en intervenant hors de ses domaines d’attribution., dès lors qu’elle a adopté un dispositif qui permet d’attribuer une aide économique à certaines entreprises qui n’a pas le caractère d’une aide à l’immobilier d’entreprise, prévue à l’article L. 1511-3 du code général des collectivités territoriales, et dont l’octroi n’est en outre pas restreint aux compétences dévolues au département par la loi en matière d’aides économiques.
Dans un second temps, le tribunal juge que le département ne peut se prévaloir de la théorie des circonstances exceptionnelles pour déroger aux règles de compétence dès lors que, même si l’épidémie de covid-19, qui a notamment entrainé un fort ralentissement de l’activité voire la fermeture totale des établissements concernés par le dispositif d’aide litigieux, constitue un évènement grave et imprévu, qui persistait à la date de la délibération contestée, d’une part, le département de la Haute-Vienne avait la possibilité d’agir autrement par un abondement au fonds de solidarité national créé par l’ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 et, d’autre part, le dispositif litigieux n’a pas eu pour objet de cibler plus particulièrement des entreprises du département qui, en dépit des aides nationales, se seraient trouvées en très grande difficulté.
Le tribunal annule ainsi, dans son dispositif, la délibération du 5 mai 2020 ainsi que la décision du 15 juin 2020 et fait droit au déféré préfectoral.