La décision du mois: janvier 2023

Jurisprudence
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Régulièrement, le tribunal met en ligne une ou plusieurs décisions particulièrement remarquables au regard de leur importance juridique ou de leur sensibilité au contexte local.

Décision du mois – Janvier 2023 – n° 2001767

Mme B…, fonctionnaire au sein d’une commune, a demandé au tribunal administratif d’annuler une décision portant rejet de la demande qu’elle avait formulée auprès du maire tendant à ce que son trouble anxio-dépressif réactionnel soit reconnu comme une maladie professionnelle.

Le motif de rejet de cette demande était que la déclaration de maladie professionnelle avait été adressée au-delà du délai de deux ans prévu au II de l’article 37-3 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987, tel que modifié par le décret n° 2019-301 du 10 avril 2019, lequel précise notamment les modalités d’application de l’article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, résultant de l’ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017.

En premier lieu, en ce qui concerne l’entrée en vigueur des dispositions de l’article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, résultant de l’ordonnance n° 2017-53 du 19 janvier 2017, le tribunal a retenu que l’application de ces dispositions était manifestement impossible en l’absence d’un texte réglementaire fixant notamment les conditions de procédures applicables à l’octroi du nouveau congé pour invalidité temporaire imputable au service. Il en a déduit que ces dispositions législatives n’étaient entrées en vigueur, en tant qu’elles s’appliquent à la fonction publique territoriale, qu’à compter de l’entrée en vigueur, le 13 avril 2019, du décret n° 2019-301 du 10 avril 2019, par lequel le pouvoir réglementaire a pris les dispositions réglementaires nécessaires pour cette fonction publique.

Les droits des agents en matière d’accident de service et de maladie professionnelle étant réputés constitués à la date à laquelle l’accident est intervenu ou la maladie a été diagnostiquée, le tribunal a retenu que la situation de la requérante, dont le trouble anxio-dépressif réactionnel avait été médicalement constaté pour la première fois au mois de décembre 2014, soit avant le 13 avril 2019, était exclusivement régie par les conditions de forme et de fond prévues par les dispositions de l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984. Ainsi, le délai de deux ans prévu au II de l’article 37-3 du décret n° 87-602 du 30 juillet 1987, modifié en 2019, n’était pas applicable au cas d’espèce, et le maire a commis une erreur de droit en estimant que la demande était tardive au motif que la déclaration de maladie professionnelle aurait été déposée au-delà du délai de deux ans.

En deuxième lieu, le tribunal s’est prononcé, au vu des circonstances de l’espèce, sur l’imputabilité au service de la maladie contractée par la fonctionnaire au cas d’espèce, laquelle suppose l’existence d’un lien direct avec l’exercice des fonctions ou avec les conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu’un fait personnel de l’agent ou toute autre circonstance particulière conduise à détacher la survenance ou l’aggravation de la maladie du service.

Au vu des pièces du dossier en litige, et notamment des pièces médicales produites et des pièces citées dans les motifs d’un arrêt rendu en 2019 par la cour administrative d’appel de Bordeaux concernant la situation de la même requérante, le tribunal a jugé que le trouble anxio-dépressif présenté par Mme B… était directement lié à l’environnement délétère dans lequel elle avait exercé ses fonctions, en particulier au conflit relationnel qui l’avait opposée au maire de la commune. Il en a déduit que ce trouble constituait une maladie professionnelle, si bien que la requérante était fondée à soutenir que la décision contestée refusant de reconnaître l’origine professionnelle de sa maladie était entachée d’erreur d’appréciation.

En troisième lieu, le tribunal a examiné l’application au cas d’espèce des dispositions relatives à la prescription quadriennale, régie par la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968. Il a jugé sur ce point qu’en demandant que sa pathologie soit reconnue comme une maladie professionnelle, la requérante ne pouvait pas être regardée comme ayant sollicité le paiement d’une créance régie par ces dispositions, de sorte que la commune ne pouvait utilement se prévaloir de l’application de la prescription quadriennale pour refuser au cas d’espèce le bénéfice des dispositions de l’article 57 de la loi du 26 janvier 1984 dans leur version applicable au litige. Au surplus, le tribunal a également retenu que les conséquences de l’état dépressif de la requérante ne pouvaient être regardées comme entièrement connues dans leur existence et leur étendue à la date à laquelle la maladie avait été constatée. Pour ces motifs, il a écarté l’application au cas d’espèce de la prescription quadriennale.

Au vu de ces éléments, le tribunal a jugé que la requérante était fondée à demander l’annulation de la décision par laquelle le maire de la commune avait refusé de reconnaître l’origine professionnelle de sa maladie.

Faisant usage de son pouvoir d’injonction d’office, Il a retenu qu’eu égard aux motifs d’annulation retenus, il y avait lieu d’enjoindre au maire de la commune de prendre une décision reconnaissant l’imputabilité au service de la maladie de la requérante, et de reconstituer sa carrière, ainsi que ses droits à rémunération, dans la mesure rendue nécessaire par l’attribution rétroactive de ses congés pour maladie imputable au service, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.