Annulation de la déclaration d’utilité publique du projet d’extension de la zone d’activité de Tra-le-Bos sur le territoire de la commune de Moustier-Ventadour
Les propriétaires d’une maison d’habitation et de terrains compris dans le périmètre du projet et susceptibles d’être expropriées en conséquence de la déclaration d’utilité publique prononcée par le préfet de la Corrèze par arrêté du 28 février 2022 et une agricultrice locataire de terres agricoles, soutenus par l’association citoyenne Tra-le-Bos, ont contesté l’utilité publique du projet d’extension de la zone d’activités économiques.
Le tribunal a d’abord relevé que, compte-tenu de la taille du projet d’extension de 16 hectares, l’opération d’aménagement était soumise à l’obligation de procéder à une évaluation environnementale systématique. Constatant l’absence d’évaluation environnementale, le tribunal retient que cette irrégularité procédurale a eu pour effet d’empêcher le public et l’autorité préfectorale de disposer d’une information complète sur les incidences réelles du projet sur l’environnement, alors même que celui-ci est de nature à porter atteinte, en particulier, à des zones humides, à des espaces agricoles présentant un enjeu notable et à des espèces protégées. Le tribunal en a déduit que ce vice de procédure a privé le préfet et le public d’une garantie et a été susceptible d’exercer une influence sur le sens de la décision qui a été prise.
Le tribunal a jugé ensuite que, si le projet d’extension de la zone d’activités pourrait être à l’origine d’un développement économique et de créations d’emplois, le préfet de la Corrèze n’apportait aucun élément précis et circonstanciés tendant à démontrer la portée réelle du développement économique attendu ainsi que le nombre et la nature des emplois évoqués, ou que l’opération d’aménagement serait nécessaire pour assurer la pérennité de l’activité économique dans la zone. De plus, pour le tribunal, l’objectif poursuivi d’amélioration de la gestion des eaux et de la sécurité contre le risque incendie ne pouvait, à lui-seul, justifier l’opération. Outre les atteintes à la propriété privée résultant de l’expropriation et les nuisances générées pendant la phase des travaux et un coût financier global de l’opération qui a été évalué à plus de deux millions d’euros, l’extension de la zone d’activités de Tra-le-Bos entraînera nécessairement des nuisances supplémentaires pour les riverains, notamment sonores et olfactives et des atteintes significatives en particulier à des zones humides, à des terres agricoles à fort enjeu et à des espèces protégées. Le tribunal, à cet égard, a rappelé qu’il avait déjà jugé que la société principale bénéficiaire finale de l’opération avait déjà méconnu à plusieurs reprises les règles applicables à l’installation classée pour la protection de l’environnement qu’elle exploite dans l’actuelle zone d’activités de Tra-le-Bos. Enfin, le tribunal a relevé que l’expropriant avait déjà pris l’engagement de conférer à la propriétaire de la maison et des parcelles susceptibles d’être expropriées un droit d’usage personnel viager pour lui permettre de vivre jusqu’à son décès dans sa maison, cette circonstance étant par elle-même de nature à remettre sérieusement en cause l’utilité publique de l’opération d’aménagement. Le tribunal en a déduit que les inconvénients de l’opération d’extension de la zone d’activités de Tra-le-Bos étaient excessifs par rapport à l’intérêt qu’elle présente.
Le tribunal a, par suite, annulé l’arrêté préfectoral.
TA Limoges, 3 décembre 2024, n° 2200591