Les décisions du mois: Janvier 2021

Jurisprudence
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Régulièrement, le tribunal met en ligne une ou plusieurs décisions particulièrement remarquables au regard de leur importance juridique ou de leur sensibilité au contexte local.

Tribunal administratif de Limoges, Consorts M. et B., 27 janvier 2021, n°1900215

 

M. B a été incarcéré au centre de détention d’Uzerche en 2013. Par une décision du 23 avril 2014, 23 avril 2014, la commission pluridisciplinaire unique, régime différencié a rejeté sa demande d’affectation en régime différencié volontaire mais l’a placé en régime différencié contraint. M. B a été retrouvé pendu deux jours plus tard. Estimant que le suicide de M. B n’a été rendu possible qu’en raison d’un défaut de surveillance des agents affectés au centre de détention d’Uzerche, ses ayants droits ont demandé au tribunal la condamnation de l’Etat à leur verser une somme globale de 90 000 euros en réparation du préjudice moral qu’ils considèrent avoir subi du fait de ce décès.

 

Le tribunal rappelle d’abord les conditions d’engagement de la responsabilité de l’Etat en cas de préjudice matériel ou moral résultant du suicide d'un détenu. Celle-ci peut être recherchée pour faute des services pénitentiaires en raison notamment d'un défaut de surveillance ou de vigilance. Une telle faut ne peut toutefois être retenue qu'à la condition qu'il résulte de l'instruction que l'administration n'a pas pris, compte tenu des informations dont elle disposait, en particulier sur les antécédents de l'intéressé, son comportement et son état de santé, les mesures que l'on pouvait raisonnablement attendre de sa part pour prévenir le suicide.

 

En l’espèce, si, au cours de détention, M. B avait fait l’objet d’expertises desquelles il ressortait qu’il était une personne instable, impulsive, présentant une personnalité émotionnellement labile type « Border Line », ces expertises ne faisaient toutefois pas état de ce que l’intéressé avait des troubles dépressifs ou des tendances suicidaires qui auraient rendus nécessaire une surveillance soutenue. Le suivi psychologique dont avait par ailleurs bénéficié l’intéressé le temps de son incarcération au centre de détention d’Uzerche n’avait pas permis de déceler un risque de passage à l’acte suicidaire. Si le tribunal relève l’existence d’un courrier rédigé par l’intéressé le jour où il s’est donné la mort, et dans lequel il évoquait la possibilité de se suicider comme il avait déjà tenté de le faire « à Neuvic », ce seul courrier ne saurait être suffisant pour justifier de la réalité d’une précédente tentative de suicide dont l’administration aurait eu ou aurait pu avoir connaissance. De plus, le tribunal constate qu’il ne ressort d’aucune des pièces versées à l’instruction que le comportement de M. B dans les jours ou les minutes précédant son suicide pouvait laisser présager un passage à l’acte imminent. Si les requérants déplorent l’absence de ronde entre le 24 avril 2013 à 23h et le 25 avril 2013 à 6h, une telle absence de ronde, à supposer même qu’elle puisse être regardée comme fautive, n’a pu être que sans incidence sur le décès dès lors que, selon l’estimation réalisée dans le cadre de l’autopsie, celui-ci est intervenu le 24 avril 2013 à 23h. Enfin, le tribunal écarte l’argumentation des requérants par laquelle ils faisaient valoir que M. B aurait dû, conformément à sa demande, être placé en régime différencié volontaire dès lors que cette circonstance ne peut être regardée comme ayant concouru de manière directe et certaine à la survenue du décès.

 

Au regard de l’ensemble de ces éléments, le tribunal conclut à l’absence de faute de l’Etat résultant d’un défaut de surveillance ou de vigilance et rejette les conclusions indemnitaires présentées par les requérants.