La décision du mois: décembre 2023

Jurisprudence
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Régulièrement, le tribunal met en ligne une ou plusieurs décisions particulièrement remarquables au regard de leur importance juridique ou de leur sensibilité au contexte local.

Décision du mois – Décembre 2023 – n° 2200240

 

Dans le cadre de la cinquième vague de l’épidémie de SARS-CoV-2 qui a débuté au mois de décembre 2021, le directeur d’un EHPAD situé dans le département de la Creuse a pris deux notes de service au mois de janvier 2022. Le tribunal rejette la demande d’une union syndicale tendant à l’annulation de ces deux notes de service.

Ce litige a conduit le tribunal à faire application du principe selon lequel il appartient à tout chef de service de prendre les mesures nécessaires au bon fonctionnement de l’administration placée sous son autorité, dans la mesure où l’exige l’intérêt du service, sous réserve des compétences attribuées à d’autres autorités par les textes législatifs et réglementaires en vigueur et dans le respect des lois et règlements applicables (CE 1936, Sieur Jamart).

Le tribunal a ainsi relevé que, dans les circonstances particulières rencontrées par l’établissement, tenant à la propagation du virus dans des proportions significatives auprès des agents, et aux mesures d’isolement qui en ont résulté, de nature à porter atteinte au principe de continuité du service public et à nuire aux conditions d’hébergement et à la santé des résidents en situation de vulnérabilité, il appartenait au directeur de l’EHPAD, en sa qualité de chef de service, de prendre en  urgence les mesures nécessaires au bon fonctionnement de l’établissement.

En ce qui concerne la première note, le tribunal a retenu qu’en précisant que des dépistages massifs des résidents et des agents pourraient être décidés, après concertation avec l’ARS et en fonction des directives de cette agence, le directeur de l’EHPAD n’avait pas pris de mesures inadaptées ou disproportionnées par rapport aux objectifs poursuivis. Il a en outre estimé que si l’obligation de se soumettre à ces tests portait atteinte au principe d’inviolabilité du corps humain mentionné à l’article 16-1 du code civil, ainsi qu’au droit de ne pas subir d’acte médical sans consentement libre et éclairé de la personne, prévu à l’article L. 1111-4 du code de la santé publique, cette atteinte apparaissait comme très limitée compte tenu, d’une part, des modalités de réalisation de ces tests et des conséquences qu’ils étaient susceptibles d’avoir pour les personnes sur lesquelles ils étaient réalisés et, d’autre part, du principe de continuité du service public.

En ce qui concerne la seconde note, le tribunal a retenu qu’au regard du nombre de cas positifs et du manque significatif de personnel de nature à porter atteinte à la continuité du service public dont bénéficiaient les résidents, le directeur n’avait pas pris de mesure disproportionnée, notamment au regard du droit au respect de la vie privée et familiale protégé par l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, en prévoyant que tout personnel pouvait être assigné à rester sur place sur simple demande du directeur, en fonction des besoins du service, et que le personnel avait donc l’obligation de répondre à l’appel qui lui était fait. Le tribunal a notamment estimé à cet égard que, bien que la note ne le précise pas expressément, les obligations qu’elle avait fait peser sur le personnel de l’EHPAD étaient nécessairement limitées puisqu’elles n’avaient notamment vocation à être opposées que pendant la durée de la mise en œuvre du plan bleu levé le 9 mars 2022.

Enfin, la juridiction a retenu que si aucune disposition législative ou réglementaire n’imposait à un agent de la fonction publique hospitalière de donner à son employeur son numéro de téléphone privé, le directeur de l’EHPAD pouvait toutefois, compte tenu des circonstances particulières rappelées précédemment, afin d’assurer à titre exceptionnel l’effectivité des mesures de mobilisation du personnel dans le cadre du plan bleu, et dans un contexte d’urgence, demander aux agents d’actualiser leurs coordonnées téléphoniques auprès du service des ressources humaines.